La Russie a-t-elle eu recours au poison pour tenter d’intimider des participants aux pourparlers de paix en Ukraine ? C’est la question qui se pose depuis que le Wall Street Journal a révélé lundi que l’homme d’affaires russe Roman Abramovitch et des négociateurs ukrainiens ont présenté en mars des symptômes d’un possible empoisonnement, après une réunion à Kiev.
Selon le quotidien américain, l’oligarque, qui tente de jouer les médiateurs entre la Russie et l’Ukraine pour faire cesser la guerre, et au moins deux membres de l’équipe de négociation ukrainienne ont souffert de rougeurs et d’irritations des yeux ainsi que de problèmes de peau au visage et aux mains. Le site Bellingcat, qui a également mené l’enquête et devrait publier prochainement les résultats de son investigation, a affirmé sur Twitter que “les trois hommes [n’avaient] consommé que du chocolat et de l’eau dans les heures qui ont précédé l’apparition des symptômes”.
Si leur état de santé s’est depuis amélioré, ces révélations interrogent. “Quelqu’un, semble-t-il, a voulu envoyer un avertissement aux personnes participant aux pourparlers de paix”, estime Frank Gardner, le journaliste chargé des questions de sécurité à la BBC. Ce n’était pas une dose mortelle, c’était un avertissement.”
L’ombre du Kremlin, “une piste plausible”
Selon le Wall Street Journal, certaines des personnes proches du dossier ont imputé l’attaque présumée aux “partisans de la ligne dure à Moscou”, estimant que “ces derniers cherchaient à saboter les négociations de paix pour mettre fin à la guerre”. Pour le Moscow Times, “ces révélations risquent de contrarier le processus de paix, déjà marqué par de profonds désaccords”.
“Peut-on être sûr que [les négociateurs] ont été empoisonnés ? ” s’interroge toutefois le Guardian. “Pas vraiment : les trois hommes étaient trop occupés pour pouvoir faire analyser à temps des échantillons par des toxicologues allemands. […] La vérité pourrait donc n’être jamais connue. Mais le Kremlin a assez d’expérience dans le domaine de l’empoisonnement pour que cela soit une piste plausible”, souligne le quotidien britannique.
Interrogé par BuzzFeed News, le toxicologue américain Alvin Terry, estime, lui, que “des vapeurs de solvants industriels ou de produits de nettoyage” pourraient être en cause. “Dans le cas où une arme chimique aurait été utilisée, les symptômes qui ont été décrits pourraient être liés à de faibles niveaux d’exposition au gaz moutarde”, a-t-il ajouté.